Apprendre le design circulaire par l’immersion

vendredi 5 décembre 2025

À Oerlikon, un espace communautaire est devenu le terrain d’un cours pilote dédié au design circulaire. Les étudiants y ont exploré la co-création et le réemploi aux côtés des habitants.

À Oerlikon, près de Zürich, les étudiants de l’École de design Berne et Bienne ont été invités à expérimenter avant de théoriser: «faire avec» l’existant, les matériaux récupérés et les habitants du voisinage. Ce cours pilote inversait la séquence habituelle d’apprentissage: quelques repères méthodologiques d’abord, puis l’immersion et la co-création comme point de départ pour comprendre le design circulaire et participatif. Au cœur du Labör, espace communautaire où la collaboration est quotidienne, ils ont mis en pratique ces principes. Rencontre avec leur professeure, Katharina Herzog, et Mona Neubauer, co-fondatrice de Labör.

Pour commencer, comment décririez-vous Labör?

Mona Neubauer: Je conçois Labör comme une chambre dexpérimentation autour de trois axes: la durabilité, la culture et la communauté. À partir de ces thématiques, nous imaginons des activités qui rassemblent le voisinage et créent du lien autour de la durabilité. Dès la création du lieu, nous ne voulions surtout pas imposer un espace figé: il nous semblait essentiel que les personnes appelées à lutiliser participent elles-mêmes au co-design des locaux. Cest dans ce contexte que la collaboration avec Katharina est née.

Et vous, Katharina, quest-ce qui vous a poussée à imaginer un cours autour du design participatif?

Katharina Herzog: C’était avant tout une manière dexplorer une question qui mhabite depuis longtemps: comment créer ensemble? Dans mes propres projets, jessaie toujours dadopter une posture de facilitatrice, de faire émerger les idées plutôt que de les imposer. Et cest exactement ce que je voulais entraîner avec ce cours: pousser les étudiants à collaborer, à co-concevoir, à expérimenter des processus collectifs. Je connais Mona depuis luniversité, et lidée de travailler avec Labör sest imposée très naturellement.

Concrètement, comment sest déroulé ce cours sur le terrain?

Katharina Herzog: Dordinaire, je fixe un cadre et les étudiants doivent sy conformer. Ici, c’était tout linverse: la difficulté venait précisément de cette liberté totale. Il ny avait rien à préparer en amont, aucun support théorique à distribuer. Juste un lieu — les locaux de Labör — et des personnes à rencontrer. Les étudiants ont dû sy adapter, repenser ce qui existait déjà, imaginer de nouveaux usages et co-créer avec les habitants du quartier. De mon point de vue, c’était extrêmement enrichissant. Je les ai vus entrer en résonance avec le lieu, simpliquer pleinement, motivés par lidée de travailler sur un vrai projet, concret et utile.

Mona Neubauer: Jai été surprise par la diversité des directions que les étudiants ont explorées. Sans aucune instruction formelle, ils ont spontanément abordé plusieurs grands axes de la circularité. Un groupe sest inspiré des objets trouvés sur place — notamment des tuyaux — quils ont transformés en lampes au design contemporain. Un autre sest penché sur les palettes: ils ont non seulement conçu une table et des chaises empilables, mais aussi élaboré un manuel pour rendre leur méthode de revalorisation accessible à tous. Un troisième groupe a réinventé un échafaudage en mobilier modulable, capable de devenir tour à tour un banc, un bar ou un dressing, selon les besoins. Enfin, le quatrième groupe a développé un hangar, en étroite collaboration avec le voisinage.

En quoi le travail in situ a-t-il été déterminant pour le projet?

Katharina Herzog: Pour comprendre les besoins des utilisateurs comme pour concevoir le design lui-même, il était crucial d’être sur place, de rencontrer les gens et de collaborer avec eux. En travaillant avec les voisins et l’équipe de Labör, de nouvelles idées de réusage ont émergé; ils avaient aussi les contacts nécessaires pour le sourcing de matériaux. Cest là le cœur du cours: montrer limportance du rapport au terrain dans les pratiques circulaires. On ne peut que difficilement développer une approche durable hors sol, depuis une salle de classe: il faut être ancré dans un lieu, dans une communauté.

 

Liens: katharinaherzog.ch / laboer.ch / sfgb-b.ch

Source: reloved.media

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