L’Upcyclerie: créer du beau, donner du sens

mardi 4 novembre 2025

Le projet d’upcycling de Caritas Genève redonne vie aux matières vouées à l’abandon, à la croisée du design et de l’insertion sociale. Rencontre avec Marie-France de Crécy, qui pilote son développement.

Si vous deviez présenter l’Upcyclerie à une personne qui ne la connaît pas encore, que lui diriez-vous?
L’Upcyclerie s’inscrit dans la suite de la tradition de Caritas de récolter de la matière afin de la remettre en circulation. Le projet répond à une logique circulaire, tant sur le plan social qu’écologique. Il réunit deux ateliers complémentaires: l’un de couture, l’autre de menuiserie. Dans chacun, des professionnels expérimentés encadrent et forment des personnes en parcours d’insertion. Ensemble, ils conçoivent des pièces uniques ou de petites séries, tout en transmettant un savoir-faire artisanal.

Concrètement, nous travaillons principalement sur mandat. Côté couture, nous avons par exemple conçu les nouveaux uniformes de l’hôtel Marriott à Genève. Côté menuiserie, nous menons actuellement un très beau projet pour les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), au sein du service psychiatrique dédié aux troubles alimentaires. Nous y repensons l’aménagement intérieur dans sa globalité: du mobilier à la palette de couleurs.

Quel est votre processus de création?
Tout commence avec la matière. Chez Caritas, on reçoit énormément de choses. Tout passe d’abord entre les mains de nos équipes de recycleurs et de recycleuses, qui trient, sélectionnent et classent. Puis, deux options: soit la matière repart directement dans le circuit de la seconde main, soit, quand elle est invendable, elle prend la route du surcyclage, à l’Upcyclerie.

À l’atelier couture, nous travaillons principalement à partir de coupons de tissus, de rideaux, de nappes… Nous rachetons également des deadstocks (fins de séries industrielles destinées à être détruites) pour leur offrir une seconde vie. Et lorsque certaines matières nous manquent, nous collaborons avec d’autres acteurs de l’économie circulaire, comme Matériuum, afin de compléter nos ressources.

Dans une logique circulaire, le matériau lui-même détermine le produit final. C’est ce que je trouve passionnant, parce qu’en design classique, c’est l’inverse: on part d’une idée, on la dessine, puis seulement on cherche la ressource adaptée. À l’Upcyclerie, on «fait le poirier»: on renverse complètement la démarche de création.

Comment vous êtes-vous lancée dans cette aventure avec l’Upcyclerie?

J’ai plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la mode : j’ai travaillé pour de grands groupes, d’abord aux États-Unis, puis à Paris, dans le luxe. Ensuite, j’ai choisi de me mettre à mon compte et notamment de co-fonder Wonder Vision, un studio centré sur le réemploi des matières. Nous nous étions rendu compte qu’en tant que designers, on nous demandait de faire rêver, mais que nos pratiques avaient un impact écologique considérable. Il fallait inventer un autre modèle.

En arrivant à Genève j’ai développé Wondervision ici et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Camille Kunz, ancien directeur du réseau de vente Caritas Genève. La HEAD m’avait sollicitée pour animer un atelier de design circulaire autour de matières issues des dons de Caritas. Cette collaboration a été décisive: j’ai tout de suite perçu le potentiel de ces ressources et l’importance de leur donner une seconde vie.

Caritas m’a ensuite proposé de développer l’identité de l’Upcyclerie: créer son univers, sa cohérence, sa marque. Cela fait maintenant deux ans que je travaille à construire ce lieu comme un véritable espace de création durable.

Source: reloved.media

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